Peut-on laver son linge sale en public ?
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Il n'aura échappé à personne que la transparence est à la mode, pour le meilleur et pour le pire.
On connaît l'expression "laver son linge sale en famille" qui permet chaque été de vivre à table (surtout si le rosé affiche treize degrés) des engueulades mémorables : "...et d'abord pourquoi ce serait toi qui récupèrerais le tableau de chez Tante Berthe ?" (une croûte infâme en réalité mais bon, la valeur affective, les souvenirs, tout ça). Mais sur la plage, du tableau on ne parlera point. Jamais.
Ce qui reste souvent vrai en famille ne l'est pas toujours dans l'entreprise ou dans la vie politique. Les exemples de déballages sont légion, prenons-en deux : Areva et l'UMP. A chaque fois c'est un règlement de comptes peu ou pas arbitré qui met le feu aux poudres. L'une des parties porte le débat sur la place publique pour prendre l'opinion à témoin et installer "sa" vérité, peu importe la décision qui adviendra par voie de justice ou depuis une autre autorité compétente. L'ensemble des acteurs concernés rejoint alors le théâtre pour déclamer son indignation, on balance tout, on lave le linge sale en public. Et on verra après.
Sans aller jusque là, un désaccord doit-il rester forcément caché ?
Notre société a progressivement nivelé le conflit, jusqu'à le rendre problématique pour qui voudrait l'assumer publiquement. Résultat : trouver des réunions dans lesquelles le ton monte ne serait-ce qu'un peu relève du challenge.Certes, la qualité des rapports humains y gagne ce que la franchise peut y perdre.
Toutefois, exprimer publiquement son désaccord, sans en faire une habitude ni verser dans les excès cités en exemple, a l'immense mérite d'interroger au minimum celui ou celle qui s'exprime : avant d'émettre devant cinq personnes une réserve auprès de sa directrice générale, on a pesé un minimum l'argument et on s'est, bien sûr (?), interrogé sur le bénéfice de cette prise de parole et la personne qui reçoit l'argument (sauf évidemment si l'on a affaire chez l'une ou l'autre des parties prenantes, à des "tueurs professionnels" d'idées).
Le bénéfice immédiat est que, dans cette réunion, se trouve parfois un participant qui va mettre tout le monde d'accord. Pas sur le mode hiérarchique mais plus parce que le sujet n'est pas le sien. Pas d'enjeu de pouvoir, pas d'impact sur son métier, pas de risque financier ou encore pas de risque de se fâcher avec la clientèle sur ce sujet si la personne en question est prestataire.
Cet intervenant "neutre" peut alors analyser froidement la situation en trouvant un avantage à une partie de la solution proposée par chacun des débatteurs, et reformuler une proposition convenable pour chacun, relançant la discussion en direction d'un compromis, souvent d'ordre purement sémantique.
Mais cela n'a aucune chance d'arriver si le schéma personnel des participants est trop tactique, politique, avec en permanence trois coups d'avance et que l'on préfère régler le désaccord plus tard, en tête-à-tête.
Se lâcher un peu en réunion : une bonne résolution à prendre avec le recul de l'été ? En plus ce n'est pas grave, ce n'est que du business. Beaucoup moins sérieux que le tableau de la Tante Berthe.